«Qu’est-ce que la vérité?». Gide et ses Souvenirs de la cour d’assises

La question de Pilate, Quid est veritas?, que Gide rappelle dans son Montaigne, peut être envisagée soit comme moment d’un parcours qui vise à faire réfléchir sur l’«humaine condition», soit comme élément d’une pensée sur la justice, les juges, les procès. L’attitude de Gide envers les hommes de loi – dont on demande de faire justice en tant que juges, avocats ou jurés –, ne permet de justifier le consentement vers l’injustice, le mensonge, l’imposture, cette violence qui bien souvent semble nourrir le pouvoir. Dans cette contribution nous voudrions montrer comment la «fascination irrésistible» de Gide pour les tribunaux est une manière d’enquêter sur la vérité, le bien et le mal, mais sans juger point. C’est pour cela que Gide met au premier plan l’individu avec ses dilemmes, ses abjections, ses viletés («les instincts [les] plus vils, qui paraîtront toujours les plus sincères, c’est-à-dire les plus naturels», écrit-il à propos des intérêts du magistrat de Bordeaux), comme si le procès n’était qu’un théâtre où même les jeux sur les mots peuvent contribuer à la dialectique justice-injustice.