W. Benjamin écrit sur le Surréalisme en 1929 et reconnaît à Breton et à son groupe d'avoir transformé l'illumination de la rencontre fortuite en moment révolutionnaire de création poétique. L'essai L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique résume la pensée du philosophe allemand à l'égard de la rupture avec la modernité, qui trouve son point de départ dans les nouvelles formes de reproduction du texte et de l'image. Pour Benjamin le Bildraum devient déchiffrable à travers le moyen mécanique, qui rend accessible l'union entre passé subjectif et choc actuel. Le Surréalisme, affirme Benjamin, s'arrête à la rencontre avec l'objet, tandis que la succession des citations du passé doit produire le passage du rêve à l'état de réveil. Dans ce contexte toute la question de la destruction de l'aura picturale par les nouvelles technologies (lithographie, photographie et cinéma) se focalise sur la souveraineté de l'inspiration qui paraît s'opposer à la sérialité de la reproduction. Le livre-objet avant-gardiste résout en partie cette problématique en imposant un nouveau paradigme dans l’histoire du livre illustré et en créant un espace d'échange, en termes de collaboration interartistique. Pour les surréalistes, les nombreuses illustrations des Chants de Maldoror deviennent à ce propos un champ d’expérimentation. L'édition dalinienne de 1934 reconfigure la conception de l’objet «livre», en tant qu'instrument créatif d'une représentation figurative presque autonome. L'univers créé par Dalí dépasse l'exégèse du texte et met en évidence toute l'originalité de l'artiste; la paranoïa-critique, dictée par le hasard, permet le surgissement d'une iconographie surréelle à partir d'une image préexistante et collective. Cette méthode, qui se développe en réinventant l'imaginaire maldororien, semble concilier la pensée du Passagenwerk et celle du Surréalisme, comme forme de «réveil», quoique inconscient, permettant la révélation du passé et la quête de la vérité. C'est là, peut-être, le fil rouge qui unit l'intertexualité ducassienne à la citation paranoïaque de Dalí et, par la suite, au montage fantasmagorique que Benjamin avait imaginé.
« Mal d’aurore et mal d’aura dans Les Chants de Maldoror illustrés par Dalí »
BISERNI, Marcella
2012-01-01
Abstract
W. Benjamin écrit sur le Surréalisme en 1929 et reconnaît à Breton et à son groupe d'avoir transformé l'illumination de la rencontre fortuite en moment révolutionnaire de création poétique. L'essai L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique résume la pensée du philosophe allemand à l'égard de la rupture avec la modernité, qui trouve son point de départ dans les nouvelles formes de reproduction du texte et de l'image. Pour Benjamin le Bildraum devient déchiffrable à travers le moyen mécanique, qui rend accessible l'union entre passé subjectif et choc actuel. Le Surréalisme, affirme Benjamin, s'arrête à la rencontre avec l'objet, tandis que la succession des citations du passé doit produire le passage du rêve à l'état de réveil. Dans ce contexte toute la question de la destruction de l'aura picturale par les nouvelles technologies (lithographie, photographie et cinéma) se focalise sur la souveraineté de l'inspiration qui paraît s'opposer à la sérialité de la reproduction. Le livre-objet avant-gardiste résout en partie cette problématique en imposant un nouveau paradigme dans l’histoire du livre illustré et en créant un espace d'échange, en termes de collaboration interartistique. Pour les surréalistes, les nombreuses illustrations des Chants de Maldoror deviennent à ce propos un champ d’expérimentation. L'édition dalinienne de 1934 reconfigure la conception de l’objet «livre», en tant qu'instrument créatif d'une représentation figurative presque autonome. L'univers créé par Dalí dépasse l'exégèse du texte et met en évidence toute l'originalité de l'artiste; la paranoïa-critique, dictée par le hasard, permet le surgissement d'une iconographie surréelle à partir d'une image préexistante et collective. Cette méthode, qui se développe en réinventant l'imaginaire maldororien, semble concilier la pensée du Passagenwerk et celle du Surréalisme, comme forme de «réveil», quoique inconscient, permettant la révélation du passé et la quête de la vérité. C'est là, peut-être, le fil rouge qui unit l'intertexualité ducassienne à la citation paranoïaque de Dalí et, par la suite, au montage fantasmagorique que Benjamin avait imaginé.I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.