La Naissance du jour (1928), autofiction avant la lettre où Colette renoue son dialogue avec Sido, interrompu par la mort en 1912 ; Une mort très douce (1964), où Simone de Beauvoir relate l’agonie de sa mère Françoise ; « Je ne suis pas sortie de ma nuit » (1997), journal des visites d’Annie Ernaux à sa mère, atteinte d’Alzheimer depuis 1983 et morte en avril 1986, un journal publié dix ans après l’ethno-récit de filiation Une femme. Trois écrivaines face au déclin et à la mort de leur mère : autant de réactions ambivalentes, autant de jalons pour une anthropologie littéraire au féminin du vieillissement et du deuil. Ces textes incorporent les derniers mots, dits et écrits, de la mère. Depuis les lettres de Sido réinventées par sa fille jusqu’aux phrases recensées par Ernaux, en passant par la voix de Françoise de Beauvoir, ces graphèmes et phonèmes à peine compréhensibles sont autant d’arabesques tracés d’une main tremblante, autant d’échos d’une voix qui s’éteint et qui acquièrent une valeur matricielle : à langage qui se décompose, récit qui retisse le lien défait en s’appropriant la langue maternelle défaillante en tant que générateur d’une prise de parole qui concourt à façonner l’éthos de l’écrivaine que ces textes restituent. Autour de ces derniers mots inauguraux s’opère, aux origines du récit de vie et de mort, un court-circuit entre agonie de la mère et naissance à l’écriture.
Échos et traces des derniers mots de la mère: Colette, Simone de Beauvoir, Annie Ernaux
Genetti
2021-01-01
Abstract
La Naissance du jour (1928), autofiction avant la lettre où Colette renoue son dialogue avec Sido, interrompu par la mort en 1912 ; Une mort très douce (1964), où Simone de Beauvoir relate l’agonie de sa mère Françoise ; « Je ne suis pas sortie de ma nuit » (1997), journal des visites d’Annie Ernaux à sa mère, atteinte d’Alzheimer depuis 1983 et morte en avril 1986, un journal publié dix ans après l’ethno-récit de filiation Une femme. Trois écrivaines face au déclin et à la mort de leur mère : autant de réactions ambivalentes, autant de jalons pour une anthropologie littéraire au féminin du vieillissement et du deuil. Ces textes incorporent les derniers mots, dits et écrits, de la mère. Depuis les lettres de Sido réinventées par sa fille jusqu’aux phrases recensées par Ernaux, en passant par la voix de Françoise de Beauvoir, ces graphèmes et phonèmes à peine compréhensibles sont autant d’arabesques tracés d’une main tremblante, autant d’échos d’une voix qui s’éteint et qui acquièrent une valeur matricielle : à langage qui se décompose, récit qui retisse le lien défait en s’appropriant la langue maternelle défaillante en tant que générateur d’une prise de parole qui concourt à façonner l’éthos de l’écrivaine que ces textes restituent. Autour de ces derniers mots inauguraux s’opère, aux origines du récit de vie et de mort, un court-circuit entre agonie de la mère et naissance à l’écriture.I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.