La merveille suscitée par les plantes a inspiré de nombreux poètes scientifiques du XVIe siècle, tels que Jacques Grévin, Guy Le Fèvre de la Boderie et Jacques Peletier du Mans. La notion évoque désormais le contact direct avec l’expérience scientifique. Quand ils se promènent dans les jardins des simples ou dans les parcs parisiens, l’image qui prend corps dans leurs écrits est celle d’un itinéraire de la terre au ciel, comme si l’équilibre (l’harmonia) de la nature n’était rien de plus qu’un état de la création divine. Cette “admiration extreme” ou “merveille” que les plantes suscitent chez les hommes de l'époque se dégage des traités sur les poisons, si riches en plantes vénéneuses et antidotes, ou dans les poèmes scientifiques des années 1570, de l'Encyclie des secrets de l'éternité à la Sepmaine de Du Bartas, sans oublier la Savoye de Jacques Peletier du Mans. Poète, médecin, mathématicien, Peletier montre dans ses écrits toute l'admiration et la merveille que suscitent en lui ces lieux sauvages, mais riches en plantes (une sorte de « pharmacie de Phébus ») et animaux. Ses connaissances scientifiques dans les domaines de la botanique et de la toxicologie se nourrissent d'une esthétique de l'émerveillement qui se manifeste également dans le traité magnifiquement illustré de Jacques Grévin, les Deux livres des Venins, publié chez Plantin immédiatement après son départ pour Turin, en octobre 1567, et inspiré des Theriaques et Contrepoisons de Nicandre. Les plantes “esmerveillables”, avec leurs « singularitez » et leurs propriétés, sont décrites en détail dans cet article. Pour Grévin, les plantes “témoignent de la toute-puissance de Dieu, mais aussi de la possibilité pour l'homme de choisir entre le bien et le mal”, si bien que l’auteur conclut sa réflexion sur des questions morales: “Pourquoi Dieu, avant la Chute crée-t-il des plantes thérapeutiques si l’homme est exempt de toute maladie ? Comment expliquer la question de l’existence du mal que les plantes vénéneuses révèlent ?” et une provocation: “Peletier savait-il que la plante de Kronos, l'aeizoon, l’ “herbe d'éternité, assure, comme la poésie, la vie éternelle?”

« La merveille fit le Desir eveiller » (Peletier): plantes merveilleuses entre science et poésie

Rosanna Gorris
2019-01-01

Abstract

La merveille suscitée par les plantes a inspiré de nombreux poètes scientifiques du XVIe siècle, tels que Jacques Grévin, Guy Le Fèvre de la Boderie et Jacques Peletier du Mans. La notion évoque désormais le contact direct avec l’expérience scientifique. Quand ils se promènent dans les jardins des simples ou dans les parcs parisiens, l’image qui prend corps dans leurs écrits est celle d’un itinéraire de la terre au ciel, comme si l’équilibre (l’harmonia) de la nature n’était rien de plus qu’un état de la création divine. Cette “admiration extreme” ou “merveille” que les plantes suscitent chez les hommes de l'époque se dégage des traités sur les poisons, si riches en plantes vénéneuses et antidotes, ou dans les poèmes scientifiques des années 1570, de l'Encyclie des secrets de l'éternité à la Sepmaine de Du Bartas, sans oublier la Savoye de Jacques Peletier du Mans. Poète, médecin, mathématicien, Peletier montre dans ses écrits toute l'admiration et la merveille que suscitent en lui ces lieux sauvages, mais riches en plantes (une sorte de « pharmacie de Phébus ») et animaux. Ses connaissances scientifiques dans les domaines de la botanique et de la toxicologie se nourrissent d'une esthétique de l'émerveillement qui se manifeste également dans le traité magnifiquement illustré de Jacques Grévin, les Deux livres des Venins, publié chez Plantin immédiatement après son départ pour Turin, en octobre 1567, et inspiré des Theriaques et Contrepoisons de Nicandre. Les plantes “esmerveillables”, avec leurs « singularitez » et leurs propriétés, sont décrites en détail dans cet article. Pour Grévin, les plantes “témoignent de la toute-puissance de Dieu, mais aussi de la possibilité pour l'homme de choisir entre le bien et le mal”, si bien que l’auteur conclut sa réflexion sur des questions morales: “Pourquoi Dieu, avant la Chute crée-t-il des plantes thérapeutiques si l’homme est exempt de toute maladie ? Comment expliquer la question de l’existence du mal que les plantes vénéneuses révèlent ?” et une provocation: “Peletier savait-il que la plante de Kronos, l'aeizoon, l’ “herbe d'éternité, assure, comme la poésie, la vie éternelle?”
2019
978-2-406-07915-6
Letteratura francese del Rinascimento
Jacques Grévin, Guy Le Fèvre de la Boderie e Jacques Peletier du Mans
Letteratura e Scienza
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Utilizza questo identificativo per citare o creare un link a questo documento: https://hdl.handle.net/11562/1008878
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